mardi 1 septembre 2015

Le rocher du débarquement

La période diurne s'allonge. On peut maintenant profiter des belles journées pour planifier des sorties vers des sites éloignés de la base.
Cette fois, c'est l'île du débarquement qui est notre cible, la petite tâche brune, la plus  à gauche de mes camarades. 7,5 km de banquise, c'est plat mais pas monotone. A défaut de montagnes nous avons les bergs, ces gros morceaux de glace qui se sont détachés du glacier et restent prisonniers des glaces.
Certains ont même un nom. Celui là c'est dragon.
Une légère brise soulève un peu de neige mais le soleil brille et nous avançons d'un bon pas.
La base parait minuscule et disparait parfois sous un voile de neige soufflée.

Et voilà l'objectif, l'île du débarquement entourée de bergs dont l'un a pour nom "le bateau".
Dans le cadre du Traité sur l'Antarctique, 4 sites de la Terre Adélie sont répertoriés dans la liste des SMH (Sites et Monuments Historiques) : la base de Port-Martin (SMH n°46), la base Marret (SMH n°47), la Croix Prudhomme (SMH n°48) et le Rocher du débarquement (SMH n°81).
C'est sur ce bout de  rocher battu par les vents et cerné par les icebergs que le navigateur français Jules Dumont d'Urville a débarqué le 21 janvier 1840. Il était parti d'Hobart en Tasmanie 19 jours plus tôt. Son but était d'atteindre le pôle Sud magnétique. Il avait sous ses ordres deux équipages répartis sur deux navires, l'Astrolabe et la Zélée.
Une plaque commémorative a été scellée dans la roche il y a 5 ans. On peut en apercevoir une partie, à nos pieds (sur le bord droit de la photo). La trouver n'est pas si simple. De dimension modeste, elle est vissée en hauteur sur ce gros bloc de granit rose. Pas au sommet , ce serait trop simple, non, légèrement en contrebas. Dénicher cette plaque qui rappelle ce fait historique n'est pas le seul cadeau de cette ascension. Du sommet, la vue y est magnifique : des étendues blanches à perte de vue et des blocs de glace monumentaux dressés au milieu de nulle part.
Il ne reste plus qu'à revenir sur nos pas. Ce n'est pas difficile, c'est tout droit, là-bas, vers cet ensemble de minuscules tâches colorées posées sur un tas de cailloux. Une touche de rouge, une autre de bleu. Et cet énorme nuage de neige soufflée qui stagne au-dessus de la base.
Ce mur de neige finit par nous rejoindre, nous envelopper puis nous abandonner. C'est bref, cinq minutes tout au plus, à avancer, l'échine courbée pour lutter contre le vent, la tête baissée à déchiffrer nos traces de pas laissées à l'aller. Et ce vent glacial, complice de la neige, qui s'infiltre dans le moindre interstice de nos vêtements.
Déjà la base se rapproche. la neige crisse sou chacun de nos pas pesants et laborieux...

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